La Cité de Vérité

AUTEUR
La première grande étape de mon aventure intérieure a été de découvrir que j'étais hypersensible. Cela m'a permis de me reconnecter à mon corps et à mes émotions. Ensuite, mon intuition m'a guidée vers la compréhension des mécanismes de l'ego pour que je me relie petit à petit à mon âme et que je décide totalement de me dédier à éveiller cette autre conscience.

Extrait de l’oeuvre de Satprem, La Genèse du Surhomme

 

Ils sont dix ou vingt, ou cinquante peut-être, ici ou là, sous cette latitude ou une autre, qui veulent labourer un coin de terre plus véridique, labourer un coin d’homme pour faire pousser en eux-mêmes un être plus vrai, faire peut-être ensemble un laboratoire du surhomme, poser une première pierre de la Cité de la Vérité sur la terre. Ils ne savent pas, ils ne savent rien, sinon qu’ils ont besoin d’autre chose et qu’il existe une Loi d’Harmonie, un merveilleux «quelque chose» du Futur qui demande à s’incarner. Et ils veulent trouver les conditions de cette incarnation, se prêter à l’épreuve, livrer leur substance à cette expérience dans le vif. Ils ne savent rien, sinon que tout doit être autre: dans les cœurs, dans les gestes, dans la matière et la culture de cette matière. Ils ne cherchent pas à faire une nouvelle civilisation, mais un autre homme; pas une super-cité parmi les millions de buildings du monde, mais un poste d’écoute des forces du futur, un suprême yantra de la Vérité, un conduit, un chenal pour tenter de capter et d’inscrire dans la matière une première note de la grande Harmonie, un premier signe tangible du nouveau monde. Ils ne se posent en champions de rien, ils ne sont les défenseurs d’aucune liberté, les agresseurs d’aucun isme: simplement, ils essayent ensemble, ils sont les champions de leur propre petite note pure, qui n’est celle d’aucun voisin, et qui pourtant est la note de tout le monde. Ils ne sont plus d’un pays, plus d’une famille, d’une religion ou d’un parti: ils ont pris le parti d’eux-mêmes, qui n’est le parti d’aucun autre, et pourtant le parti du monde parce que, ce qui devient vrai en un point, devient vrai pour tout le monde et rejoint tout le monde; ils sont d’une famille à inventer, d’un pays qui n’est pas encore né. Ils ne cherchent pas à redresser les autres ni personne, à déverser sur le monde des charités glorifiantes, à soigner les pauvres et les lépreux: ils cherchent à guérir en eux-mêmes la grande pauvreté de la petitesse, l’elfe gris de la misère intime, à conquérir sur eux-mêmes une seule petite parcelle de vrai, un seul petit rayon d’harmonie, car, si cette Maladie est guérie dans notre propre cœur ou dans quelques cœurs, le monde s’en trouvera plus léger, et, par notre clarté, la Loi de Vérité entrera mieux dans la matière et rayonnera autour spontanément. Quelle délivrance, quel soulagement au monde peut apporter celui-là qui peine dans son propre cœur? Ils ne travaillent pas pour eux-mêmes, bien qu’ils soient le terrain premier de l’expérience, mais en offrande, pure et simple, à cela qu’ils ne connaissent pas vraiment mais qui frémit au bord du monde comme l’aurore d’un nouvel âge. Ils sont les prospecteurs du nouveau cycle. Ils se sont donnés à l’avenir, corps et biens, comme on se jette dans le feu, sans un regard derrière soi. Ils sont les serviteurs de l’infini dans le fini, de la totalité dans l’infime, de l’éternel dans chaque instant et dans chaque geste. Ils créent leur ciel à chaque pas et taillent le nouveau monde dans la banalité du jour. Et ils n’ont pas peur de l’échec, car ils ont laissé derrière eux les échecs avec le succès de la prison – ils sont dans la seule infaillibilité d’une petite note juste.

Mais ces constructeurs du nouveau monde prendront bien garde de ne pas bâtir une nouvelle prison, fût-ce une prison idéale et bien éclairée. En fait, ils comprendront, et vite, que cette Cité de la Vérité ne sera pas et ne peut pas être tant qu’ils ne seront pas eux-mêmes et totalement dans la Vérité, et que cette terre à bâtir est d’abord et avant tout le terrain de leur propre transmutation. On ne triche pas avec la Vérité. On peut tricher avec les hommes, faire des discours et des déclarations de principe, mais la Vérité s’en moque: elle vous attrape sur le fait et à chaque pas vous jette votre mensonge à la figure. C’est un impitoyable phare, même s’il est invisible. Et c’est très simple, elle vous attrape dans tous les coins et à tous les tournants, et comme c’est une Vérité de la matière, elle démolit vos plans, entrave votre geste, vous met subitement devant un manque de matériaux, un manque d’ouvriers, un manque d’argent, suscite cette révolte, dresse les gens les uns contre les autres, sème l’impossibilité et le chaos, – jusqu’à ce que, soudain, le chercheur comprenne qu’il faisait fausse route, qu’il construisait la vieille bâtisse mensongère avec des briques neuves et secrétait son petit égoïsme, sa petite ambition, son petit idéal, sa mince idée du vrai et du bien. Alors, il ouvre les yeux, il ouvre les mains, il se raccorde à la grande Loi, laisse couler le rythme et se fait clair, clair, transparent, souple à la Vérité, au n’importe quoi qui veut être – n’importe quoi mais que ce soit ça, le geste exact, la pensée juste, le travail vrai, la vérité pure qui s’exprime comme elle veut, quand elle veut, de la façon qu’elle veut. Une seconde, il s’abandonne. Une seconde, il appelle ce monde nouveau – si nouveau qu’il n’y comprend rien mais qu’il veut servir, incarner, faire pousser dans cette terre rebelle, et qu’importe ce qu’il en pense, ce qu’il en sent, ce qu’il en juge, oh! qu’importe, mais que ce soit la vraie chose, la seule chose voulue et inévitable. Et tout bascule dans la lumière – en une seconde. Tout devient possible instantanément: les matériaux arrivent, les ouvriers, l’argent, le mur s’écroule, et cette petite bâtisse égoïste qu’il était en train d’édifier, se change en une possibilité dynamique qu’il n’avait même pas soupçonnée. Cent fois, mille fois, il fait l’expérience, à tous les niveaux, personnels, collectifs, dans ce battant de fenêtre qu’il ajuste pour sa chambre ou dans le million subit qui «tombe du ciel» pour construire un stade olympique. Il n’y a pas, jamais de «problèmes matériels», il y a seulement des problèmes intérieurs. Et si la Vérité n’y est pas, même les millions pourriront sur place. C’est une fabuleuse expérience de toutes les minutes, une mise à l’épreuve de la Vérité, et, plus merveilleusement encore, une mise à l’épreuve du pouvoir de la Vérité. Il apprend pas à pas à découvrir l’efficacité de la Vérité, la suprême efficacité d’une petite seconde claire – il entre dans un monde de petites merveilles continues. Il apprend à avoir confiance en la Vérité, comme si tous ces coups, ces ratages, ces querelles, cette confusion, le conduisaient savamment, patiemment, mais impitoyablement, à prendre l’attitude juste, découvrir le vrai ressort, le regard vrai, le cri de vérité qui renverse les murs et fait éclater tous les possibles dans l’impossible chaos. C’est une transmutation accélérée et comme multipliée par les résistances de chacun autant que par ses bonnes volontés – comme si, en vérité, et les résistances et les bonnes volontés, le bien autant que le mal, devaient se changer en autre chose, une autre volonté, une volonté-vision de Vérité qui à chaque instant décide du geste et du fait. C’est la seule loi de la Cité de l’Avenir, son seul gouvernement: une vision claire qui s’accorde à l’Harmonie totale et qui traduit spontanément en actes la Vérité perçue. Les faussaires sont automatiquement éliminés, par la pression même de la Force de Vérité, refoulés, comme le poisson, par excès d’oxygène. Et si, un jour, ces dix ou ces cinquante, ou ces cent-là, pouvaient bâtir une seule petite pyramide de vérité dont chaque pierre aurait été posée avec la note juste, la vibration juste, l’amour simple, le regard clair et l’appel du futur, en vérité la cité entière serait bâtie, parce qu’ils auraient bâti en eux-mêmes l’être du futur. Et peut-être la terre entière s’en trouverait-elle changée, parce qu’il n’y a qu’un corps; parce que cette difficulté de l’un est la difficulté du monde, cette résistance, cette obscurité de l’autre, sont la résistance et l’obscurité du monde entier, et que cette toute petite entreprise d’une petite ville sous les étoiles est peut-être l’Entreprise même du monde, le symbole de sa transmutation, l’alchimie de sa douleur, la possibilité d’une terre nouvelle par la seule transfiguration d’un coin de terre et d’un coin d’homme.

Il est donc probable que pendant longtemps cette Cité en construction sera un lieu où les possibilités négatives seront comme exacerbées autant que les possibilités positives, sous l’impitoyable pression du phare de Vérité. Et le mensonge a l’art de s’accrocher à d’infimes détails, la résistance de s’agglutiner à des banalités insignifiantes, qui de viennent le signe même du refus – le mensonge sait faire de grands sacrifices, il sait se discipliner, idéaliser, entasser des mérites et des bons points, mais il se trahit dans le minuscule, c’est son dernier repaire. C’est dans la matière vraiment que la partie se joue. Cette Cité de l’Avenir est vraiment un champ de bataille, c’est une difficile aventure. Ce qui se décide là-bas avec des mitrailleuses, des guérillas ou des hauts-faits, se décide ici avec de sordides détails et une invisible guérilla du mensonge. Mais une seule victoire sur un petit égoïsme humain est plus lourde de conséquences pour la terre que le remaniement de toutes les frontières de l’Asie, car cette frontière-là et cet égoisme-là sont le barbelé originel qui divise le monde.

Aussi bien, l’apprenti surhomme pourra-t-il commencer sa bataille très tôt, non seulement en lui-même mais dans ses enfants, et non seulement à la naissance de l’enfant mais dès sa conception.

Nous naissons sous une cloche de plomb. Elle nous entoure bien, elle est hermétique et invisible, mais elle est là, elle coiffe nos moindres gestes, nos moindres réactions. Nous naissons «tout faits», pourrions-nous dire, mais cette facture-là n’est pas la nôtre, ni dans le meilleur ni dans le pire. C’est un million de sensations, qui ne sont pas encore des pensées mais comme des semences de désir ou de répulsion, des odeurs de crainte, des odeurs d’angoisse comme un subtil salpêtre qui tapisse nos caves: des couches et des couches de défenses et d’interdits, et quelques rares permissions qui sont comme la même fuite d’une même ruée obscure dans nos tunnels; et puis, là-dedans, un petit regard étonné qui n’y comprend rien, mais à qui l’on a vite fait d’apprendre la «vie», le bien, le mal, la géométrie et les tables de la loi – un petit regard qui se voile, qui se voile, et qui n’y comprend définitivement plus rien quand on lui a tout fait comprendre. Parce que le principe évident, naturel, est qu’un enfant ne comprend rien et qu’il faut lui apprendre à vivre. Mais il se pourrait fort bien que l’enfant comprenne très bien, même si ce n’est pas conforme à nos structures, et que nous lui apprenions seulement à enterrer sa connaissance pour la remplacer par une science toute faite, qui l’enterre pour de bon. Et nous passons trente ans de notre vie à défaire ce qu’ils ont fait, à moins que nous ne soyons un sujet particulièrement réussi, c’est-à-dire un emmuré définitif, consentant, poli et diplômé. Une bonne partie du travail consiste donc, non pas à «faire» mais à défaire cet envoûtement. On nous dira que cette lutte est fructueuse, qu’elle nous enrichit, fait nos muscles et notre personnalité – c’est une fausseté. Elle nous durcit, elle nous fait des muscles militants et risque de nous enfoncer dans un «contre» aussi nocif que le «pour». Et par-dessus le marché, elle ne nous fait pas une personnalité, mais un masque, car la vraie personne est là, toute là, candide et grande ouverte, dans le regard d’un enfant qui vient de naître – on y ajoute seulement la misère de la lutte. Nous croyons formidablement, intensément, aveuglément en le pouvoir de la souffrance: c’est le sceau subconscient de toute notre civilisation occidentale depuis deux mille ans. Et peut-être était-elle nécessaire, vu l’épaisseur de notre substance. Mais la loi de la souffrance est une loi du Mensonge – ce qui est vrai sourit, c’est tout. La souffrance est le signe de la fausseté, elle va avec elle, elle est le produit de la fausseté. Et croire que cette souffrance nous enrichit, c’est croire que la tuberculose est un bienfait des dieux, encore que la tuberculose puisse nous aider aussi à briser la carapace de mensonge. Cette vertu négative, comme toutes les vertus, laisse à jamais sur nous une ombre; et même le soleil découvert est encore taché par cette ombre-là. Les coups, en vérité et par nécessité physique, laissent leur contrecoup, et font des délivrés au cœur brûlant qui se souviennent d’avoir souffert. Ce souvenir-là est encore un voile sur le regard candide. La loi des dieux est une loi ensoleillée. Et peut-être toute l’œuvre de Sri Aurobindo et de la Mère est-elle d’avoir apporté au monde la possibilité d’une voie ensoleillée où il ne soit plus besoin de souffrance ni de douleur ni de catastrophe pour progresser.

L’apprenti surhomme ne croit pas en la souffrance, il croit en l’enrichissement de la joie, il croit en l’Harmonie; il ne croit pas en l’éducation, il croit en le pouvoir-de-vérité qui est au cœur de toute chose et de tout être – il aide seulement cette vérité à croître avec le moins d’entraves possibles. Il a confiance en le pouvoir de cette vérité. Il sait que l’homme va toujours, inexorablement, à son but, en dépit de tout ce qu’on peut lui dire ou lui apprendre – il cherche seulement à supprimer ce «en dépit». Il arrose seulement cette petite pousse de vérité; et encore, avec prudence, car il est des pousses qui aiment les sables et les rocailles. Mais déjà, dans cette Cité – disons plutôt dans ce laboratoire de l’avenir –, l’enfant naîtra dans des conditions moins étouffantes; il ne sera pas suggestionné, guetté à tous les coins de rue par des affiches hurlantes, pas vicié par la télévision, empoisonné par les cinémas vulgaires, pas encombré par toutes les vibrations d’angoisse ou de crainte ou de désir que sa mère a pu soigneusement entasser dans son ventre avec les lectures «distrayantes» ou les films débilitants ou un foyer anxieux – car tout s’inscrit, la moindre vibration, le moindre choc, tout rentre comme chez soi dans l’embryon, et y reste et s’y entasse. Les Grecs le savaient bien, les Égyptiens, les Indiens, qui entouraient la mère de conditions exceptionnelles d’harmonie et de beauté, afin que le souffle des dieux passe sur chaque jour et chaque respiration de l’enfant, et que tout soit une inspiration de vérité. Et quand la mère et le père décidaient d’avoir un enfant, ils le faisaient comme une prière, un sacrifice pour que s’incarnent les dieux de l’avenir. Il suffit d’une étincelle d’aspiration, d’une flamme d’appel, d’une bouffée lumineuse dans le cœur de la mère, pour que réponde et se précipite la même lumière, la flamme identique, l’intensité de vie semblable – et si nous sommes gris et neutres, nous appellerons seulement la grisaille et la nullité des millions d’hommes éteints.

L’enfant de cette Cité naîtra avec une flamme, il naîtra consciemment, volontairement, sans avoir à défaire des millénaires d’animalité ou des abîmes de préjugés; on ne lui dira pas à chaque instant qu’il doit gagner sa vie, parce que personne ne gagnera sa vie dans la Cité de l’Avenir, personne n’aura d’argent: on la vivra au service de la Vérité, chacun selon ses capacités et son art, et on n’y gagnera que de la joie; on ne lui répétera pas sur tous les tons qu’il faut ou ne faut pas: on lui montrera seulement la tristesse instantanée de ne pas écouter la petite note juste; on ne le harcèlera pas avec l’idée du métier à découvrir, de la réussite à faire, de la victoire sur autrui, du premier de classe et du dernier de classe, parce que personne ne réussit ni n’échoue dans la Cité de l’Avenir, personne ne fait un métier, personne ne triomphe des autres: on fait le seul métier d’une petite note claire qui éclaircit tout, fait tout pour nous, dirige tout pour nous, réunit tout dans son harmonie tranquille, et réussit la seule réussite d’être en accord avec soi-même et avec tout; on ne lui apprendra pas à dépendre d’un maître, dépendre d’un livre, dépendre d’une machine, mais à se fier à cette petite flamme dedans, cette petite coulée joyeuse qui guide les pas, amène la découverte, fait trébucher par hasard sur l’expérience et vous livre la connaissance comme en se jouant, et il apprendra à cultiver les pouvoirs de son corps comme d’autres aujourd’hui cultivent le pouvoir des boutons de machine; on n’enfermera pas ses facultés dans un moule de vision et de compréhension tout fait: on encouragera sa vision qui n’est pas des yeux, sa compréhension qui n’est pas des livres, ses rêves des autres mondes qui préparent celui de demain, ses communications directes et ses intuitions immédiates, ses sens subtils; et si l’on se sert encore de machines dans la Cité de l’Avenir, on lui dira que ce sont des béquilles provisoires en attendant de trouver dans notre propre cœur la source du Pouvoir pur qui transmuera un jour cette matière comme nous transmuons la feuille blanche, d’un coup de crayon, en une jolie prairie. On lui apprendra le Regard, le vrai regard qui peut, le regard qui crée, le regard qui change tout – on lui apprendra à pouvoir par lui-même et à croire en son propre pouvoir de vérité, et que plus on est pur et clair, en harmonie avec la Loi, plus la matière obéit à la Vérité. Et au lieu d’entrer dans une prison, l’enfant entrera dans un monde ouvert où tout est possible – et où tout est effectivement possible, car il n’est d’impossibilité que celle que nous croyons. Et finalement, l’enfant grandira dans une atmosphère d’unité naturelle où il n’y aura pas de «toi», «moi», «tien», «mien», où on ne lui aura pas appris à chaque instant à mettre des écrans et des barrières mentales, mais à être consciemment ce qu’il est inconsciemment depuis toujours: à se prolonger dans tout ce qui est, dans tout ce qui vit, à sentir dans tout ce qui sent, comprendre par une même respiration profonde, par un silence qui porte tout, à reconnaître partout la même petite flamme, à aimer partout la même petite coulée claire, et à être moi partout sous un millier de visages et dans un millier de musiques qui sont une seule musique.

Alors, il n’y aura plus de frontières dedans, dehors, plus de je veux, je prends, plus de manque, plus d’absence, plus de moi tout seul et enfermé, plus de contre, plus de pour ni de mal ni de bien: il y aura une seule, suprême Harmonie aux milliers de corps qui touche sa note dans celui-ci, dans celui-là, cette circonstance et cet accident-là, ce geste ici, ce geste là, et qui accorde tout dans un unique mouvement dont chaque minute est parfaite et chaque acte véridique, chaque parole exacte, chaque pensée juste, chaque écrit rythmique, chaque cœur à l’unisson – et la Vérité modèlera la matière selon sa vision juste. Et cette petite cité sans frontières rayonnera autour par son simple pouvoir de vérité, attirant ce qui doit être attiré, écartant ce qui doit être écarté, simplement par sa propre force de concentration, touchant ce point de l’univers ou cet autre, cette âme ici, cette âme là, répondant aux mille appels invisibles, émettant sans cesse sa haute note claire qui éclaircira le monde et allégera les cœurs sans même qu’ils en sachent rien.

Car telle est la Vérité, si simple que personne ne la voit, si légère qu’elle court le monde en un instant, dénoue les nœuds, traverse les frontières, et déverse sa merveilleuse possibilité au milieu de toutes les impossibilités, au moindre appel.

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